Franglais

Une journée de franglais dans le Web

Certains secteurs d’activité sont impitoyables avec la langue française : Marketing, Finance, Communication, Web, Informatique, BTP…

L’anglicisation du vocabulaire progresse, et il m’arrive assez régulièrement d’en perdre mon latin, à ne plus savoir quel est le terme français (oui, parce qu’il existe toujours un terme français). Évidemment, l’environnement n’aide pas, et dans un élan de mimétisme et de professionnalisme, on se surprend à se calquer sur ses interlocuteurs. Et au bout d’un moment, on ne fait même plus attention.

Petit résumé d’une journée : 

A peine arrivé au bureau, je boote mon ordinateur. C’est mon principal outil de travail, la chose sans laquelle je ne suis rien dans mon job, la chose pour laquelle on me diagnostiquera un jour un dérèglement irréversible de l’horloge interne.

Après avoir checké mes mails, je calle mon client : hier soir j’étais un peu late et forcément, il n’était plus au bureau quand j’ai cherché à le joindre. Il m’envoie ensuite ses feedbacks par mail, que je forwarde à mes collègues, en précisant simplement : « FYI ».

On s’était notamment dit lors de la dernière PPM qu’on optimiserait les insights en mettant les outils de sharing plus en avant, notamment sur les devices mobiles. L’info est donc de taille, et je tagge donc le mail afin de pouvoir le retrouver rapidement. Et pour être sûr de ne pas oublier, je l’ajoute dans un coin de ma to-do list pour garder cette feature en tête.

Il est 10h, le temps d’ingurgiter un kawa (bon là c’est un mot arabe, ok je sors) et de retourner à mon poste pour pitcher un prestataire car je viens d’avoir le GO sur un projet. Je dois donc lui envoyer les assets nécessaires au développement, et scheduler une conf-call pour le kick-off.

Le timing est très serré et je dois envoyer un premier build pour la semaine prochaine. Histoire d’être sûr, je me suis noté de lui envoyer un reminder 2 jours avant la deadline histoire d’effectuer ensemble le cross-browsing. Comme j’ai un doute sur son devis, que je trouve un peu élevé, je prends le soin de sourcer auprès d’un autre prestataire, histoire d’avoir un peu plus de visibilité, mais je me rends compte que ses pricings sont OK.

Après le lunch, je fais un point avec la technique. On doit deviser un site d’e-commerce, et vu les contraintes, on va plutôt faire du From-Scratch côté Back-Office, parce que les CMS risquent de nous limiter. Côté Front-Office, les zonings indiquent une disposition de type grid , avec son lot d’effets en rollover. Le DA de l’agence nous a confirmé qu’il fallait également ne pas être avares sur le travail des effets en over. Comme d’habitude, le directeur commercial me dit qu’il faut absolument qu’on mette des outils de tracking afin qu’il puisse connaitre son ROI ; autre point intéressant : il me demande en option de lui deviser une prestation de Community Management. Tout un programme !

Enfin d’après-midi, après une journée bien remplie, je me rends à mon after-work histoire de dérusher un peu, et de faire du networking, ça peut toujours servir. Ca tombe bien, c’est une soirée fooding, ça va me changer du steak-frite de la cantine et des pizzas surgelées. Au final, la soirée s’est avérée déceptive : peu de monde, buffet pas terrible… Finalement je rentre chez moi. Ma gardienne me dit qu’elle n’a pas reçu le colis que j’ai commandé, alors que j’ai reçu un message m’indiquant qu’il était livré hier. « C’est assez confusant », me dis-je, avant de rejoindre mon appartement.

Est ce que tout ça fait sens, en fin de compte ? Que faut-il en déduire ? 

Que la langue Française est en danger ? Qu’on est tous des gros péteux en puissance ? Qu’il faut devenir anglophobe ?

N’en venons pas à des conclusions hâtives, même s’il y a certainement un peu de tout cela. Les emprunts entre langues sont légion, et ne datent pas d’hier (demande à un Allemand comment il dit les mots « costume », « bureau » et « douche »). Le problème n’est pas selon moi que les mots voyagent entre les langues. C’est ce qui a contribué à la richesse des cultures, des échanges, des langues, et que des disciplines comme l’étymologie sont complètement passionnantes (sissi, j’te jure).

Le problème n’est pas non plus l’emploi de mots anglais dans des vocabulaires spécialisés, surtout quand il n’y a pas de terme spécifique dans la langue de Molière. Je n’ai pas de problème avec le verbe « retweeter », et il faudrait vraiment être con pour vouloir essayer d’en faire un « regazoulli ». A la limite, « faire suivre », mais on s’éloigne de la sphère Twitter. D’autres termes plus techniques comme dans le web ont leur équivalent en Français, mais on va partir du principe que leur emploi est toléré, puisqu’il font écho à des fonctionnalités..qui se trouvent dans les langages web, qui eux sont en Anglais.

Non, ce qui me chagrine, c’est quand on a dans notre langue tout plein de mots qu’on est en train de délaisser, au profit de termes Anglais. Quel est le besoin de remplacer un appel par un call, une sollicitation par un pitch, un terminal par un device…? Cela peut sembler anodin, j’ai peut-être l’air d’un vieux con en disant cela, mais quand je me rends compte qu’il m’arrive de réfléchir pour trouver le terme Français alors que l’Anglais m’est venu spontanément, ça me titille.

Dans les métiers de la communication, du marketing, du web…c’est presque une obligation (on ne va pas parler de pression sociale mais presque) : outil de partage, c’est fondamentalement pareil que sharing tool….mais tu passes beaucoup plus pour quelqu’un qui s’y connait en utilisant le terme anglais.

Alors tu me répondras « oui, mais c’est du jargon, c’est normal, c’est pour se rendre un peu hermétique et se donner un style». Certes. Moi je trouve que c’est juste un moyen de donner mal à la tête à mes interlocuteurs pour par cher. Chacun son truc , à bon entendeur ! 

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