Jeu Télérama

Le syndrome du « jeu télérama »

Le jeu vidéo est un art à part entière, ce n’est plus à prouver. Si Télérama ne teste pas les jeux vidéos, la revue attribue souvent ses 3 « T » à des films bien écrits, bien joués, profonds, réalistes….mais souvent pas très funky. Un parallèle qu’on pourrait parfois faire avec le jeu vidéo…

On a tous dans notre bibli/dvd/ludothèque une oeuvre que l’on a achetée parce que les critiques semblaient unanimement l’acclamer. Que ce soit par snobisme, pour épater ses amis ou encore par réelle conscience culturelle, nous sommes passés a l’acte….pour généralement la retrouver sous une épaisse couche de poussière quelques années plus tard. Alors pourquoi ne l’avons nous pas consommée, ou du moins pas entièrement ? Il peut y avoir plusieurs cas de figures :

Le jeu bien mais auquel on n’a pas envie de jouer

On se dit rarement, après une journée de travail, « tiens je vais me regarder un petit Lynch ». L’oeuvre est d’une rare profondeur, nous fait réfléchir, nous embrouille, et nous transporte là où peu de cinéastes ont réussi a le faire mais souvent (et je suis le premier à le déplorer), on n’a pas envie de ça et l’on cède aux sirènes du blockbuster ou encore du PAF, préférant Cyril Hanouna à Kyle Mc Lachlan. C’est triste.

Dans le jeu vidéo, on peut faire le parallèle avec la série, Silent Hill, qui est un très bon exemple de jeu Télérama. Pour vous situer rapidement le contexte, la saga initiée en 1999 transporte un pauvre innocent à la recherche de quelqu’un (sa fille, sa femme, son père, ou tout simplement une issue selon l’épisode) dans une ville plongée dans le brouillard, l’obscurité, la rouille et d’autres charmantes matières dont on ne veut pas connaitre la provenance.

Cette petite bourgade est peuplée de créatures d’origine inconnue, allant de la simili-chauve-souris à des enfants mutants, en passant par des infirmières sans visage (mais à la poitrine généreuse) ou encore le fameux Pyramid Head. Ajoutez à cela un scénario torturé qui n’hésite pas à titiller les profondeurs de la psyche et une musique que tu n’écoutes pas le soir tout seul chez toi (ni même avec du monde), et on se retrouve avec un jeu….auquel on joue en y réfléchissant. Tout d’abord parce que Silent Hill (surtout le 2e) est le seul jeu à m’avoir donné des palpitations. Mais au delà de ça, parce que le soft n’est pas du genre gratifiant : le personnage n’est pas un super héros, se déplace de manière poussive, frappe lentement…et d’autres petits détails : pas de secret marrant, pas de plaisir particulier à trouver des objets, passages franchement compliqués (les portes de l’hotel à la fin du 2).

Le problème de ce type de jeu télérama repose également sur la notion de jeu. Dans ce cas, Silent Hill se rapprochera plus de l’expérience que du jeu dans son sens d’activité amusante et divertissante. Dans le même genre, Metal Gear Solid peut également se voir « reprocher » son manque d’action par rapport à une narration très présente. Le bémol majeur (haha) de ce genre de jeu, c’est le sentiment d’être obligé d’apprécier ces jeux, d’y avoir joué, et de ne pas pouvoir les critiquer, même si cela est justifié.

Metal Gear Solid 3 propose par exemple un scénario hyper poussé, on en prend plein la tête, on se croit dans la peau de Rambo…pour autant, on se retrouve à jouer dans un couloir, les aller-retours sont légion, et quand on abandonne (ce qui fut mon cas) après quelques heures, c’est avec le sentiment de rater un grand scénario, gâché par des mécaniques un peu trop lourdes. Pour autant, mêmes les détracteurs ne diront pas que Metal Gear Solid est une grosse bouse. Au pire, ils diront que les cinématiques sont trop nombreuses et que le système de jeu est lourd.

Le jeu qu’on comprend pas trop pourquoi qu’il est bien

Plus courants que les premiers, ces jeux ont un défaut assez embarrassant : on les a achetés. Souvent pour notre plus grand malheur. Même si je l’avais payé une bouchée de pain, je garde par exemple un mauvais souvenir de « the Mark of Kri », un jeu sur Playstation 2. Graphismes colorés à la Disney, character-design léché, contenus étoffés, bonus à débloquer….le soft que personne n’attendait avait tout pour nous faire rêver. La presse spécialisée ne s’y est pas trompée, lui donnant d’assez voire de très bonne notes. Une fois le pad en main et passée l’enthousiasme du premier niveau, on se retrouvait avec un beat them all en couloir, dont la maniabilité laisse franchement à désirer. Sans parler du corbeau, qui est censé être nos yeux, mais qui ne peut se déplacer que sur des postes pré-définis.

Et je ne m’y étais pas trompé : quelques semaines après cet achat en promotion à 5 euros sur un grand site d’e-commerce, le jeu s’était retrouvé à errer par dizaines d’exemplaires dans les rayons de mon magasin Games local. Que s’était-il passé ? Rétrospectivement, on constate que le jeu était sorti pendant une période un peu plate (2003, bien avant God Of War) et avait profité d’un bon effet d’annonce. Le test de JeuxVidéo.com début même ainsi : « En ces temps de disette créative.. ». C’est dire !

Shadow of the Colossus a bien failli se retrouver dans cette catégorie, si je n’avais pas eu la force, grâce à NXF que je remercie au passage, de terminer ce « jeu » (je mets jeu entre guillemets parce que la notion d’amusement est assez relative). Chef d’oeuvre proclamé culte avant même sa sortie, la suite spirituelle d’ICO vous met aux commandes d’un jeune homme à la maniabilité plus que douteuse, qui doit parcourir des espaces désertiques à la recherche de colosse qui n’ont rien demandé, et les tataner dans le but de ressusciter sa copine. Ajoutez à cela un canasson pas très vif, dont le nom est le seul mot qui sortira de la bouche du jeune homme (« AGRO! » ), et des séquences de recherche pas toujours passionnantes, pour obtenir un tableau qui ne fait pas très envie. Le heu a donc pris la poussière pendant des mois, alors que je m’étais précipité pour l’acquérir.

Les critiques s’étaient pourtant montrées dithyrambiques, nous parlant d’un jeu épique, prenant, émouvant. Ils n’avaient toutefois pas mentionné que le jeu ne se dévoile vraiment qu’après quelques heures et qu’il vaut mieux accomplir cette quête à deux pour éviter de mourir d’ennui et/ou de dépression…

Évidemment, le débat n’est pas ici de savoir dans quel mesure les tests nous infuencent, ou dans quelle mesure les testeurs sont eux-mêmes influencés par les éditeurs, mais bien sûr de s’interroger un peu sur ce qu’est un bon jeu : dans l’absolu, la notion de bon ou de mauvais film est subjective : on a bien évidemment le droit de ne pas accrocher malgré des critiques élogieuses, tout en restant conscient de la consistance de l’oeuvre. Non, le problème, c’est quand ces critiques poussent à consommer une œuvre qui n’est pas à la hauteur des attentes que l’on a en tant que joueur.

On a parfois le sentiment, tout comme dans les autres secteurs artistiques, de ne pas avoir le droit de ne pas aimer tel jeu parce qu’il a été conçu par untel, parce qu’il est dans le cœur de tous les joueurs encre ou parce que toute la presse l’a acclamé. D’être obligé d’y avoir joué pour être un joueur cultivé. Snobisme intellectuel ou étroitesse d’esprit ? Allez savoir…et si Télérama notait un jour les jeux vidéos, ce serait quoi leur top 3 ? 

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